mardi 11 octobre 2011

Pourquoi j'ai traduit Stanley G. Weinbaum, par Robert Soubie


Ce n’est qu’assez tard — disons vers la trentaine, il y a plus de vingt-cinq ans — que j’ai découvert La Flamme Noire de Stanley G. Weinbaum, dans la seconde collection de science-fiction des Éditions Albin Michel. J’ai aimé ce roman baroque, qu’à l’époque j’ai dû lire comme on lit à cet âge — très vite. La quatrième de couverture disait en une seule phrase l’essentiel de ce qu’il fallait savoir à son sujet — qu’il était mort trop jeune, à trente-trois ans, et qu’il s’était « écarté des formules traditionnelles de l’anticipation ». C’était tout.

Dans les années 70, j’avais lu, dans les revues françaises Galaxie et Fiction, un certain nombre de nouvelles de l’âge d’or de la science-fiction américaine et d’après — j’en possède toujours une petite collection — mais je n’y avais jamais croisé cet auteur. Peu de ses nouvelles ont été traduites en français, comme je l’ai appris plus tard, et certaines n’ont été publiées que dans des éditions confidentielles. L’Internet et ses possibilités de recherche étaient encore en ce temps-là du domaine de la science-fiction, si bien que j’ai oublié Stanley G. Weinbaum et que je suis passé à autre chose.

Un départ précoce en retraite a été pour moi l’occasion de revisiter ma bibliothèque — qui est loin de ne contenir que de la science-fiction, — de la classer et de redécouvrir des livres oubliés ; parmi ceux-là, La Flamme Noire, un volume de poche vraiment fatigué, dont les pages se détachaient — le sort des livres collés sur tranche qu’une économie discutable nous impose.

Ne me rappelant que confusément le roman, je l’ai relu, bien plus lentement cette fois. Je n’étais plus pressé, et j’ai tout de suite pu apprécier un style, une inspiration et un souffle que j’avais oubliés, ou peut-être ignorés. J’ai pleinement senti quelle était la valeur littéraire de l’auteur, et je me suis mis immédiatement en quête d’informations complémentaires sur sa vie et sur son œuvre.

Pour qui maîtrise les outils de recherche disponibles sur l’Internet, et avec du temps et de la persévérance — il en faut pour essayer toutes les combinaisons de mots-clés qui décrivent une quête — j’ai fini par apprendre bien des choses sur Stanley G. Weinbaum.

J’ai appris pour commencer que la version de La Flamme Noire que je venais de lire n’était qu’une version incisée, mutilée, de l’œuvre originale ; qu’on avait retrouvé peu d’années auparavant une copie carbone du manuscrit intégral, et que cette version avait été publiée en 1995 chez Tachyon Publications.

J’ai découvert aussi que Weinbaum avait publié un ensemble de nouvelles qui avaient alors — au milieu des années trente, — par l’originalité de leur traitement et l’humour qu’y mettait l’auteur, marqué de manière indélébile le genre de la science-fiction.

Un petit nombre de ces nouvelles Une Odyssée Martienne, Les Lotophages, Les Lunettes de Pygmalion — avaient été traduites et publiées à la fin des années soixante-dix, de manière séparée, dans des anthologies parues aux éditions J’ai Lu.

Pour le public français — francophone plutôt — le constat est le suivant : le roman La Flamme Noire, qui était à l’origine paru en 1956 au Rayon Fantastique, n’a jamais été réimprimé depuis 1972 ; sauf pour trois d’entre elles, et si l’on excepte les diffusions confidentielles, les merveilleuses nouvelles de science-fiction de Stanley G. Weinbaum n’ont jamais été traduites en français. Ses deux autres romans de science-fiction, Le Nouvel Adam et Le Cerveau Fou, n’ont jamais été traduits en français, non plus que les autres œuvres parues de Weinbaum, comme La Lady Danse, une romance qui se déroule dans les Mers du Sud, et deux histoires de détectives.

Tout cela nous permet de comprendre pourquoi Stanley G. Weinbaum, qui fut indéniablement, pour le champ de la science-fiction, l’un des auteurs les plus importants de son siècle, est si peu connu en France. Il a pourtant succédé à Jules Verne, à Edgar Rice Burroughs et à H. G. Wells ; il a été le contemporain de H.P. Lovecraft, avec qui il a correspondu, et dont il s’est inspiré dans Le Cerveau Fou ; il a connu et fréquenté à Milwaukee Robert Bloch, de dix ans son cadet ; il a enfin tracé la voie à Isaac Asimov, à Robert A. Heinlein, à Ray Bradbury, à Clifford D. Simak, à Arthur C. Clarke — plusieurs d’entre eux se sont d’ailleurs exprimés sur sa personne et sur son œuvre.

Une information poussant l’autre, j’ai fini par mettre au jour le tableau cohérent d’un homme talentueux, brillant et chaleureux, aimé de tous, qui mena une vie active, écourtée par la maladie et la mort, mais riche et fructueuse, avec en arrière-plan l’Amérique de la Grande Dépression, du Dust Bowl et de la crise boursière et financière de 1929. J’ai été pris de passion pour ces textes, cette époque, et ce destin émouvant.

Je me donc suis procuré l’édition américaine intégrale du roman La Flamme Noire — qui constitue la seconde partie du présent volume ; je disposais déjà de la première partie, également en version intégrale , L’Aube de la Flamme.

Des raisons de santé — mineures — m’interdisant les activités d’extérieur, je me suis mis en devoir de traduire les deux textes ; pendant ce temps-là, je continuais mes recherches documentaires, et je me suis également procuré l’intégrale des nouvelles de science-fiction écrites par Weinbaum, A Martian Odyssey, and Other Science Fiction Tales, Hyperion Press, 1974.

J’ai aimé ces activités de recherche et de traduction, et je me suis mis en devoir de les poursuivre en traduisant l’intégralité des nouvelles de science-fiction de Stanley G. Weinbaum. J’ai le sentiment d’avoir fait œuvre utile. Je souhaite aux lecteurs de prendre autant de plaisir à la lecture de ces œuvres que j’en ai eu à les traduire.

Le Cap-Ferret, le 1er juin 2007,

Robert Soubie & Les Éditions de l'Âge d'Or.

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